Nous sommes tous vendeurs

Réalité ou leurre

Quelle que soit notre profession, avocat, banquier, entrepreneur, docteur, artiste, enseignant, entraîneur sportif ou responsable commercial, nous passons une partie non négligeable de notre temps à la vente. En effet, chaque jour, nous sommes amenés à influencer, persuader ou convaincre d'autres personnes. Les avocats monnayent un verdict à des jurés, les banquiers cajolent leurs clients, les entrepreneurs relancent les financeurs potentiels, les docteurs administrent des remèdes à leurs patients, les artistes font les yeux doux à leur agent, les enseignants soulignent à leurs étudiants la valeur de l'attention qu'ils prêtent à leur cours, les entraîneurs sportifs haranguent leurs joueurs et les responsables commerciaux motivent leurs troupes à rentrer de nouvelles affaires.

En 2013, la société d'études et d'analyse de données Qualtrics a mené une enquête auprès de 10 000 personnes aux Etats-Unis afin de quantifier le temps que les gens passent au bureau À faire bouger les autres en particulier au moyen de la vente dans laquelle personne n'effectue d'achat. La question qu'il aura été posée est la suivante "What do you really do at work?" ou "Que fates-vous réellement au travail?".

Deux constats majeurs ont émergé :

Les personnes interrogées consacrent en moyenne 40% de leur temps de travail à persuader, influencer les convaincre d'autres personnes. Ce qui revient à dire que 24 minutes par heures sont destinées à l'acte commercial, sans ventes concrètes certes mais néanmoins dans le but de faire bouger leurs divers interlocuteurs. Celle-ci considère cet aspect de leur travail comme essentiel à leur réussite professionnelle.

Le résultat de ce sondage esquisse par conséquent un portrait de travailleurs du 21ème siècle (du moins au sein de la 1ère économie mondiale) établissant un profil nettement plus commercial que nous aurions pu le penser au départ. Qu'il s'agisse de ventre sous sa forme traditionnelle ou de commercial sans ventes, nous sommes par conséquent tous des vendeurs potentiels.

Vendeur, mon beau vendeur

Répondez à la question suivante à présent: "Quand vous pensez à la vente, quel est le premier mot qui vous vient à l'esprit?" Prenez le temps de la réflexion. Quelle est votre réponse?

La variété des émotions déclenchées aura sûrement une tonalité plutôt négative. La vente mais en effet mal à l'aise beau nombre d'individus et en rebute certains autres en grande partie par ce que la croyance que ses pratiques tournent autour de la duplicité, de la dissimulation voire de la manipulation s'est largement généralisée.

La seconde croyance erronée qui fait que certains dédaignent la vente suggère qu'il suffirait d'être cupide pour être efficace. Il n'en est rien bien-sûr. Plusieurs études ont démontré à souhait que l'argent ne constitue en rien le premier facteur motivationnel du commercial.

Par ailleurs, je crois assez peu au mythe des qualités naturelles chez un vendeur. Certes, certains possèdent un talent inné pour cette pratique, d'autres moins ou pas du tout. Et c'est ici que nous rencontrons un paradoxe; nous possédons tous cet instinct de vouloir faire bouger les autres avec plus ou moins de succès selon les cas. Cependant, seuls certains d'entre nous érigeront cet instinct en art véritable. Le vendeur, tel un acteur, doit avoir du cran. Il décroche son téléphone pour appeler les inconnus. Il entre sur scène devant des étrangers et s'expose à un rejet potentiel, à un public amorphe voir d'acerbes critiques.

Vendre de manière efficiente consiste à convaincre un client ou un prospect de se séparer de certaines ressources telles que du temps, de l'attention, des efforts parfois, non pour l'en priver mais pour, en fin de compte, améliorer sa situation existante. Vendre c'est stimuler les gens à faire quelque chose qu'au fond d'eux-mêmes,ils désirent faire. Pousser ceux-ci à poser un acte d'achat contre leur gré est contre-productif et créera de la frustration voire de l'irritation à plus long terme.

Servir plutôt que vendre

Malgré le séisme économique survenu lors de la précédente décennie nul l'implosion du système financier mondial ainsi que l'explosion d'Internet et des réseaux sociaux désormais omnipotents, le nombre total d'emploi commerciaux a continué de croître un peu partout. Ceci tend à démontrer que le besoin de vendeurs n'a pas disparu. En effet, l'acte de vente requerra entre un vendeur et un acheteur et celle-ci ne pourra jamais être remplacée par un un ordinateur ou un smartphone.

A l'ère où l'équilibre entre vendeurs et acheteurs s'est inversé (ces derniers sont en effet désormais parfaitement informés sur les produits qu'ils désirent acquérir et sur les services dont ils ont besoin ou envie), le commercial optimal est capable d'augmenter son influence tout en réduisant considérablement son pouvoir:

  • Il s'accorde à son interlocuteur et s'ajuste à la perspective de ses clients et de ses prospects.
  • Il guide l'entretien de vente plus avec ses oreilles qu'avec sa bouche.
  • Il interroge plus qu'il n'énonce.
  • Il met son interlocuteur en valeur.
  • Il fait usage autant de son cœur que de sa tête.
  • Il fait preuve de stratégie, de brio et d'humanité.
  • Il est capable de détecter les vrais enjeux avant de proposer des solutions.
  • Il trouvé le bon équilibre entre affirmation de soi, ténacité et discrétion.
  • Il considère que les refus en fonction de la manière de les présenter.

A l'image du leader serviteur ("the servant leader") à l'attention de ses collaborateurs, le commercial efficient est celui qui se met au service de sa clientèle, qui l'écoute, qui désire vraiment améliorer la situation de celle-ci, qui l'éclaire sur la manière d'agir, qui identifie, comprend et satisfait ses valeurs.

Conclusion

Selon Seth Godin, figure emblématique du monde du marketing, il existe trois catégories de transactions: soit nous faisons une faveur à quelqu'un, soit l'autre nous fait une faveur, soit encore, personne ne fait de faveur à personne. Les problèmes surviennent quand l'une des parties de la transaction pense faire une faveur à l'autre mais que l'autre n'agit pas retour. La solution à ce problème est finalement assez simple nous dit Godin; agissons toujours comme si l'autre nous faisait une faveur. Ce qui démontre que, comme le leader serviteur, la manière la plus pertinente est la plus authentique de faire bouger autrui est d'agir avec humilité et gratitude.

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